Image-prix : comment mesurer et piloter la perception consommateur ?
En période d’inflation, les consommateurs se réfugient chez les discounters, persuadés que ces enseignes offriront les prix les plus bas pour leurs achats du quotidien : LIDL +0.6 pt et ALDI +0.5pt de PDM novembre 2022 versus novembre 2020.*
Seulement, cette intuition ne tient pas devant la récente étude UFC Que Choisir** : Pour les produits les plus accessibles, premiers prix et marques distributeurs, les prix sont meilleurs chez Système U, Intermarché, Auchan ou Leclerc.
Les professionnels du prix se posent alors cette question : Comment s’emparer de ce sentiment diffus qu’est l’image-prix, le maîtriser, et y répondre avec les bon prix et la bonne communication ?
Chez Mercio, nous définissons l’image-prix comme la représentation que les consommateurs se font du niveau des prix d’une enseigne. L’image-prix est un concept hybride. Elle va à la fois convoquer des éléments quantitatifs clairs comme les prix des produits ou les écarts vis-à-vis des enseignes concurrentes, mais également des éléments qualitatifs comme la cohérence des prix avec l’identité de l’enseigne en tant que marque. Les éléments constitutifs de l’image-prix étant à la fois conscients et inconscients, l’analyse de l’image-prix du côté des enseignes est particulièrement complexe.
Il est tentant de réduire la mesure de l’image-prix au calcul d’indices prix moyen calculés vis-à-vis de la concurrence du marché sans passer par la vision consommateur. Ce raccourci permet de simplifier la gestion de l’image prix en termes de pricing avec un suivi d’indices panélistes moyennisés. Mais cette vision réduite ne rend pas compte de l’image prix de l’enseigne et n’offre qu’une vision partielle de la performance de la politique-prix. Car en définitive, ce qui intéresse les distributeurs, est-ce la réalité de leur positionnement, ou la perception que les consommateurs en ont ?
Dans cet article je vous propose d’explorer l’image prix par le prisme consommateur et de mettre en lumière quelques bonnes pratiques dans le pilotage pricing.
Niveaux de prix, image-prix et image de marque: articuler ces trois concepts marketing plutôt que les confondre
Nous lisons régulièrement des articles de la presse spécialisée proposant des classements d’enseignes selon leur indice prix. Presque à chaque fois, cet élément sert de mesure de l’image-prix et est moyennisé au niveau national. Il y a donc souvent une confusion entre les concepts d’indice prix et d’image-prix. L’élément retenu par ces classements ne renseigne que partiellement sur la perception que les consommateurs se font de ces enseignes, et ne constitue pas une analyse complète de l’image-prix. Pour compléter l’analyse, il convient de se demander si le consommateur retrouve, sur les étiquettes, la promesse faite par la marque dans sa communication et son identité.
Le consommateur se forge une image prix à partir de tous les signaux envoyés par la marque. Le merchandising, les promotions, les offres, permettent de se faire une opinion sur l’enseigne et d’évaluer son positionnement. Une plage d’ouverture plus grande, la proximité ou un bon achalandage sont autant de services dont la valeur est perçue par les consommateurs. Ces services ont donc également une incidence sur l’acceptabilité du prix facial, et contribuent à la construction de l’image prix. Ces éléments interviennent de manière inconsciente auprès du consommateur. Je sais que les prix de cette enseigne sont plus élevés, mais cela me semble justifié : le magasin est “mieux”, “j’ai plus de choix”, “c’est plus simple de faire mes courses là- bas”, “c’est agréable”.
En somme, une bonne image prix ne nécessite pas d’être le moins cher. Monoprix a un positionnement prix plus élevé que beaucoup d’autres acteurs de la grande distribution, cela n’est pas pour autant néfaste pour son image-prix. Dans les années 2000 son positionnement prix haut a été remis en question avec le déploiement de distributeurs moins chers en concurrence directe. Afin de maintenir une bonne image prix, Monoprix a pris le parti d’augmenter sa valeur de marque par le biais de ses produits et de promouvoir la qualité, en augmentant l’offre de service et en adoptant une nouvelle stratégie marketing. Cette nouvelle approche a été un succès et a permis de justifier un prix plus élevé auprès du consommateur.
Le consommateur peut avoir conscience du positionnement élevé de l’enseigne de son choix, mais tout de même avoir un a priori positif vis-à-vis de l’image-prix de cette enseigne. Notamment si la qualité des produits et des services proposés justifient ce positionnement. À l’inverse un prix même le plus bas du marché peut être mal perçu si la qualité du produit n’est pas cohérente avec l’attente du consommateur, l’image prix de l’enseigne en sera alors dégradée. Un magasin discount n’offrira pas la même expérience client qu’un magasin classique. L’image prix n’est donc pas uniquement le résultat des prix pratiqués par l’enseigne. Il s’agit de proposer une offre dans laquelle les produits, les prix, le merchandising et les promos sont cohérents avec la promesse de l’enseigne.
Mesure de l’image-prix : comment calculer un indice prix rendant compte des subtilités de la perception client?
L’indice prix est un indicateur indispensable pour piloter son pricing. Il permet à l’enseigne de se positionner sur le marché face à ses concurrents. Mais, comme vu plus haut, il ne suffit pas à retranscrire l’image prix que l’enseigne a auprès de ses consommateurs. L’indice prix est un indicateur riche qui, avec de la sophistication, peut permettre d’assurer que la politique de prix correspond aux yeux du consommateur, à l’image prix de l’enseigne souhaitée.
Piloter les indices de compétitivité au niveau local
La finesse géographique est une clef de réussite. Pour l’illustrer, cette publicité Leclerc répondant à une publicité comparative Carrefour nous a fait sourire.
Cette formule très habile met en lumière un point important à prendre en compte pour les distributeurs. Pour leurs achats alimentaires, les consommateurs ne font pas le choix de leurs enseignes en regardant ce qu’il se fait “en moyenne en France” mais se fient à leurs expériences personnelles et donc locales.
Faire correspondre mes axes d’analyses à ceux de mes consommateurs
Pour nos achats hebdomadaires au supermarché, c’est au moment du passage en caisse que l’image prix que nous percevons de l’enseigne se révèle. Nous avons en tête un seuil d’acceptabilité concernant le montant qui nous sera demandé , alors que l’augmentation du prix d’un produit isolé peut passer inaperçu. C’est donc le positionnement prix des paniers-type qu’il est intéressant d’analyser, plus proche d’une réalité consommateur que d’un simple concept de gestion.
Les enseignes de grande distribution sont en mesure de collecter de nombreuses données sur leurs clients. Manipuler ces données massives est un défi, mais le jeu en vaut la chandelle. Identifier les consommateurs types et leurs habitudes d’achats, analyser vos paniers, étudier le poids qu’ils représentent par zone de chalandise en temps réel, permet de créer les indices prix à l’image des habitudes de consommation de vos clients et même si celles-ci évoluent. Vous pouvez ainsi mesurer précisément à la volée, sur le périmètre le plus fin, pour chaque magasin, la portée de vos décisions pricing auprès du consommateur, vous mettre à sa hauteur.
Des indices prix qui reflètent réellement la vision de vos différents types de consommateurs vous permettent de fixer des prix qui à la fois conviennent à vos consommateurs, et sont suffisamment précis pour cibler vos investissements. Vous obtenez alors un positionnement optimal en minimisant les coûts pour votre enseigne.
Le category management : une fonction sous-exploitée pour influencer l’image prix ?
Nous avons tendance à penser qu’un prix parle de lui-même, mais les expériences de category management montrent plutôt que la justesse d’un prix est quasiment exclusivement évaluée par comparaison. Le spécialiste d’Économie Comportementale, Daniel Ariely, auteur de « Prévisiblement Irrationnel », nous apporte des éléments d’analyses intéressants dans ses études du parcours décisionnel. Il soulève les paradoxes de nos prises de décisions quotidiennes pour mettre en lumière les réels déterminants de nos choix.
Professeur en Université, il a mené une étude auprès de 100 de ses étudiants:
Il a proposé à un premier groupe d’étudiant la souscription à un abonnement au journal, “The Economist”. Ce premier groupe avait le choix entre un abonnement en ligne à 59$ et un abonnement à la version papier + en ligne à 125$.
68% des étudiants ont choisi la version Web à 59$.
Au deuxième groupe il a ajouté une option supplémentaire, la version papier uniquement pour le prix de 125$ soit le même prix que la version papier + web. De toute évidence, cette proposition ne présente aucun intérêt puisque pour le même prix vous pouvez souscrire à la version papier + WEB.
Mais dans ce cas 84% des étudiants ont choisi l’option papier + Web à 125$. L’ajout d’une option qui n’aurait généré aucune vente a boosté l’attractivité de l’option la plus chère.
Que nous apprend cette étude dans le cadre de notre sujet ? Le consommateur effectue son choix en prenant en compte l’ensemble des éléments et des options dont il dispose. La comparaison modifie la perception d’un prix comme “juste” ou non. Cette comparaison structure une échelle de valeur différente.
Suivant la typologie des produits, le consommateur va certes évaluer les prix en fonction de l’idée qu’il se fait des prix pratiqués dans d’autres magasins, mais surtout par rapport à l’ensemble de l’offre qui lui est proposée dans une même enseigne. Cette étude montre que pour qu’un prix soit perçu comme “bon” il doit être positionné stratégiquement au sein de l’offre. Cela souligne l’importance de définir un prix en prenant en compte sa place au sein de la gamme, son positionnement au sein du rayon.
Cette structuration de la gamme par les bons écarts de prix permet alors aux enseignes de faire ressortir la singularité de leur offre dans leur image-prix. Telle enseigne aura pour objectif de présenter les prix les plus attractifs sur les marques nationales, tandis qu’une autre valorisera l’accessibilité des premiers prix, ou encore l’excellent rapport qualité/prix de ses MDD.
La cohérence des prix est donc un élément déterminant de l’image-prix. Si elle est maîtrisée, elle apporte 3 avantages stratégiques :
- Le consommateur perçoit le prix comme étant juste par rapport aux autres produits qu’il a face à lui en rayon.
- Le consommateur a confiance dans les prix qui lui sont présentés, il prêtera ensuite moins attention aux prix dans son parcours d’achat
- La maîtrise de cette cohérence de prix permet de positionner les produits stratégiquement les uns avec les autres, et donc d’orienter les achats vers des produits en particulier.
La cohérence de gamme contribue à améliorer l’image prix de l’enseigne. Si elle est pilotée avec finesse, elle devient une arme redoutable pour booster les ventes de vos marques propres.
Conclusion :
La fonction du pricing est de s’emparer de la notion d’image-prix, d’en comprendre les ressorts, et de l’approcher de manière objectivable. Pour cela, les pricers ont plusieurs outils à disposition :
- La stratégie de marque permet de déterminer les grands axes de travail
- Un indice-prix sophistiqué permet d’analyser son positionnement par le prisme consommateur
- Le category Management assoit le choix du consommateur en rayon, et le conforte dans la décision de fréquenter cette enseigne
Chez Mercio, nous développons la plateforme qui permet aux distributeurs de se saisir de ces sujets. Nous serons heureux d’en discuter plus en détails avec vous si le pricing est votre priorité aujourd’hui !
*Source KANTAR