Réflexions sur la valorisation des MDD dans un contexte de défiance des consommateurs

Que ce soit en France, en Allemagne ou en Autriche, le thème de l’inflation est omniprésent dans nos discussions avec les distributeurs. Consommateur, distributeur et fournisseur, chacun tente d’échapper au grignotage de son pouvoir d’achat pour l’un, de son attractivité pour l’autre ou de ses marges pour le troisième. Et souvent, les sujets des MDD et de la promotion s’invitent dans les discussions.

Les MDD sont génératrices de marge pour les distributeurs, et font office de “refuge” pour les consommateurs soucieux de leur pouvoir d’achat. Les études de Statista le confirment : les ventes de produits MDD ont augmenté de 20,8 % au premier trimestre 2023. Les produits MDD combinés à des promotions ont connu un succès encore plus grand, puisque leurs ventes ont augmenté de 49,9 %. En comparaison, les ventes de produits de marque nationale à prix réguliers n’ont augmenté que de 4 %. 

En ce qui concerne la promotion, le Parlement français a tenté de siffler la fin de la récré avec la loi dite Descrozaille. Selon cette loi, depuis le 1er mars, les distributeurs ne peuvent plus proposer de promotions dépassant -34% dans les rayons Droguerie Parfumerie Hygiène. Cette initiative est par certains considérée comme une mesure qui pénalise le pouvoir d’achat des consommateurs.

Dans ce contexte,, nous souhaitons aujourd’hui nous pencher sur cette question: Quelle stratégie permet de favoriser l’attractivité des marques propres ?


Le rôle de la MDD pour l’enseigne et son image vis-à-vis du consommateur

Pour les enseignes, la MDD a pour rôle de : 

  • Proposer des alternatives aux marques nationales, ce qui permet de maximiser la marge par une modification du mix des ventes. 
  • Travailler l’image-prix de l’enseigne en présentant des linéaires avec de nombreux produits à valeur faciale faible
  • Fidéliser les consommateurs à des produits exclusifs à l’enseigne, afin de positionner l’enseigne comme la destination de référence pour les courses

On peut noter également qu’en comparaison avec les marques nationales, les MDD font l’objet d’un moindre investissement marketing et publicitaire. Aussi, contrairement aux marques nationales, les MDD servent davantage l’image de l’enseigne plutôt que la MDD en elle-même.

Du côté des consommateurs, les MDD sont perçues comme proposant un bon rapport qualité prix. En période inflationniste, les MDD sont considérées comme des options “refuge” qui protègent le pouvoir d’achat des consommateurs selon une étude de 2023 IRI Unify/PLMA. Neuf consommateurs sur dix en Allemagne jugent que les articles des enseignes de distribution offrent un bon rapport qualité-prix, selon une étude réalisée par KPMG.

Les MDD sont un vecteur de marge et de fidélisation, on souhaite donc en favoriser les ventes.  Quelles stratégies prix et promotion ont fait leurs preuves sur les MDD ? Quel est le moment du parcours d’achat où des actions particulières doivent être mises en place ? Sur quels produits ? Quels sont les effets des différentes stratégies possibles ?

Penser la politique prix et promo en retraçant le parcours client

Pour attirer le client avant sa visite en magasin, il faut concentrer les investissements sur ce qui a fait ses preuves

Inspirer le consommateur passif avant la visite en magasin

En amont de la visite en magasin, la promotion, si elle bénéficie d’une communication, peut permettre d’inspirer le client dans son parcours d’achat. Le levier principal sera la publicité et les prospectus. Ici, une promotion sur un produit de destination à forte notoriété permettra d’augmenter la fréquentation magasin sur un temps précis et d’acquérir de nouveaux clients.

Pour penser la politique prix/promo sur ma MDD, il convient alors de se poser deux questions :

  • Est-ce que ma MDD est un produit de destination ?
  • Est-ce que le client se déplacerait pour un prix barré sur quelques produits de marque propre ?

Les cas d’usage que nous avons vu chez sur le marché nous montrent que les produits à forte notoriété sont majoritairement de marque nationale (en France, Coca-Cola, Ricard, Nutella). Les distributeurs réalisent des promotions à renforts de campagnes publicitaires pour attirer en magasin avec des promotions sur ces produits. Ces communications sont financées par les industriels et créent du trafic en magasin à moindre coût.

A ce stade du parcours d’achat, la vente n’a pas été effectuée. Un trafic a été créé, mais est-ce que les consommateurs, une fois en magasin, passent effectivement à l’acte d’achat sur les MDD ou est-ce que la visite est transformée en un achat de MN ? Le distributeur peut profiter de l’image de marque des MN pour attirer en magasin et transformer le trafic en ventes de MDD.

Influencer le choix d’enseigne pour un achat programmé

Dans les achats récurrents, la plupart des produits ont une valeur faciale faible et les consommateurs sont relativement fidèles à leurs enseignes. L’acquisition par le prix est très coûteuse. Les autres arguments tels que la proximité, les services, et l’attachement à l’enseigne sont donc forts.

Néanmoins, les biens d’équipements font figure d’exception. Ce sont généralement des produits assez chers que l’on achète une fois pour plusieurs années (exemple : robot cuisine, vélo, jeux d’extérieur). L’application d’une stratégie high/low sur ces produits MDD permet d’obtenir une rentabilité en marge et une augmentation de volume sans perturber le client.

Sur ces produits, lorsque le prix high fond de rayon est appliqué, les ventes restent faibles. L’objectif de ces actions promotionnelles va donc être l’acquisition de nouveaux clients. Une promotion permet d’attirer en magasin les consommateurs en recherche d’un bien d’équipement particulier et de les intéresser à la marque propre pour ses prochains achats. 

Ces actions sont faciles à mettre en place. La gamme est généralement restreinte sur les produits avec une valeur faciale élevée : les fluctuations de prix seront faciles à gérer au sein même d’une gamme.

Une fois le client dans le magasin, plusieurs leviers peuvent être utilisés pour influencer son choix

Réorienter le choix du consommateur lorsqu’il compare en rayon

Une fois que le consommateur est entré en magasin, il effectue ses achats en comparant les prix entre eux au sein d’un même rayon. L’objectif est donc de placer la MDD comme la meilleure option du rayon pour chaque unité de besoin. Il est alors nécessaire de se demander : 

  • Comment mes MDD sont-elles positionnées face à leurs équivalents MN ?
  • Puis-je jouer sur les écarts de prix pour favoriser le choix de la MDD par mes clients ?

Si l’objectif est de favoriser les ventes auprès des clients hésitants devant le rayon, c’est sur les écarts de prix entre marques d’une même unité de besoin qu’il faut travailler. Cela gravera dans l’esprit du consommateur que le bon prix est permanent, et que ce n’était pas “un coup de chance”. L’acte d’achat étant alors réfléchi en rayon, cela favorisera son retour vers ce produit plus tard, et le consommateur considérera aussi plus facilement l’achat de MDD dans d’autres rayons.

La cohérence et l’élasticité croisée sont utilisées par les distributeurs pour réorienter le choix du consommateur venu initialement pour acheter la MN.

Augmenter les volumes d’achats lors de la visite

Lorsqu’une campagne publicitaire est menée pour des produits de marques connues, les fournisseurs vont beaucoup communiquer. L’objectif est, pour le fournisseur, de favoriser la vente de ses produits plutôt que celle des autres fournisseurs.

Dans la plupart des cas, sur une marque avec moins de notoriété (ou un produit à faible valeur faciale, ou bien si l’opération a fait l’objet de peu de communication), le client remarque la promotion au moment de son achat. La promotion n’a donc pas d’effet sur le trafic et ne convainc que des consommateurs qui avaient déjà une intention d’achat. Les achats en promotion se feront donc par effet d’aubaine. Certes cela entraînera une augmentation de volume mais pas forcément de gain en marge €, et sans bénéfice sur le long terme.

L’impact financier à long terme des stratégies de prix/promotion

Le risque d’un recours systématique à la promo

Nous observons sur le marché français qu’il est très difficile de sortir d’une politique high/low. En effet, lorsqu’une enseigne commence à mettre en place une politique high/low, elle engage des moyens coûteux pour faire connaître ses promotions auprès de ses clients ou potentiels clients. Si la campagne est réussie cela se traduit alors avec une augmentation de ventes et de la marge sur ce temps court. Cet historique de vente est pris en compte dans les objectifs pour l’année à venir et souvent reconduit encore et encore. L’investissement marge et en marketing devient alors trop important et les enseignes finissent par vouloir en sortir. Cela crée alors un risque à court terme : le client habitué aux promotions sur ces produits n’achètera plus ou peu. Il faudra du temps à l’enseigne pour faire changer la perception client et retravailler son image prix sur un prix fond de rayon cohérent.

Sur un produit acheté régulièrement il est encore plus difficile de justifier les variations de prix à la hausse puis à la baisse.
Une stratégie high/low sur les MDD peut amener le client à considérer la promotion comme indispensable pour passer à l’acte d’achat. Cela représente un risque important pour l’image-prix de la marque car cette impression sera très difficile à ôter une fois qu’elle sera incrustée dans l’esprit du consommateur.

Impacts financiers et de gestion

Lorsque les promotions ne font pas l’objet de campagnes de communication, elles produisent seulement des effet d’aubaine en magasin et constituent une perte sèche pour l’enseigne, plutôt qu’un moyen de recruter de nouveaux clients. Dans le choix de la stratégie, il est donc nécessaire de garder à l’esprit qu’une politique high/low s’accompagne d’investissements importants en communication. Le budget de promotion pour les marques nationales peut être financé par les industriels, c’est une raison supplémentaire qui explique que les promotions sont davantage effectuées sur les MN.
De plus, au sein de gamme larges, une politique high/low entraîne une difficulté importante dans la gestion de la cohérence de prix dans le rayon de manière générale. Si cet enjeu n’est pas correctement adressé, l’enseigne peut souffrir d’un problème d’image sur le long terme.

Exemples francais : la stabilité comme argument

Leclerc est l’hypermarché n°1 en France, c’est l’enseigne qui prône les prix bas toute l’année. Afin de faire connaître et pousser le volume de sa marque propre, des campagnes promotionnelles sont engagées non pas sur un produit mais sur une marque comme -10% sur toute la marque “ BIO VILLAGE ”. Sans modifier son positionnement prix fond de rayon, il accroît ainsi la visibilité de sa marque et préserve la confiance des consommateurs.

Intermarché est un challenger de Leclerc en termes de prix. En ce qui concerne leur stratégie de marque de distributeur, ils se présentent comme les défenseurs du pouvoir d’achat des consommateurs. Dans cette publicité, on peut par exemple lire : « Grâce à nos marques, les Français feront peut-être moins de sacrifices ».

Cette démarche est également observée chez Système U. Stéphanie Guillonneau, Directrice des Achats produits U, souligne que les promotions ne sont qu’un levier parmi d’autres. Selon elle, « le plus important reste de défendre le prix de fond de rayon ». Grâce à des négociations avec les fournisseurs, ils proposent ainsi plus de 300 produits de la Filière U à prix pas. 

Les stratégies de MDD réussies sont généralement fidèles à la logique EDLP et s’adaptent à la stratégie d’enseigne. L’image de stabilité est précieuse vis-à-vis du consommateur, en particulier en période de forte instabilité, ce qui explique cette tendance à une stratégie EDLP sur les MDD, couplée à des opérations visant à valoriser les MDD dans leur ensemble plutôt que sur des produits en particulier. Les consommateurs se sentiront plus proches de la marque et seront tentés de tester d’autres produits MDD sur des catégories où ils sont habitués aux MN.

Conclusion

MDD et MN ne répondent pas aux mêmes logiques de prix. Les industriels investissent massivement dans des budgets promo et des campagnes de communication, ce qui place les MN en produits de destination pour lesquels les consommateurs vont se déplacer. Les distributeurs ne peuvent pas réaliser de tels investissements sur toutes leurs MDD.

Un de leurs objectifs sera alors de proposer la meilleure alternative pour le consommateur, au moment où il regardera les étiquettes de plus près.

Sur des biens d’équipement, largement comparés avant achat, une campagne promotionnelle ciblée peut booster les ventes d’un produit. Cette option semblera très attractive en comparaison des produits de grandes marques. En revanche, sur les produits achetés de manière récurrente, c’est en rayon que tout va se jouer : la cohérence des prix et les écarts MN/MDD influenceront largement le choix du consommateur.

Aussi, la MDD a ce pouvoir de créer un attachement à l’enseigne. Il ne s’agit donc pas nécessairement de favoriser l’achat d’un produit MDD en particulier, mais plutôt de faire de la MDD de l’enseigne, l’incontournable du panier hebdomadaire. En observant les politiques promotionnelles des enseignes françaises, on se dit que nous tirons la même conclusion : les messages qu’elles communiquent sont autant d’invitations à tester la MDD cross-catégories.

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Valentine Dreyfuss
Valentine Dreyfuss

Valentine ist Gründerin und CEO von Mercio. Sie hat die Preisimage-Herausforderungen der Schwergewichte des Einzelhandels mit den Spitzeninnovationen unserer Ingenieurteams zusammengebracht. Sie engagiert sich sehr für die technologische Souveränität Europas, ist Co-Präsidentin von La French Tech in Düsseldorf und gibt ihr Wissen jedes Jahr an Studierende der HEC weiter.